La saga Tomb Raider – Partie 1 : la Création

Quoi de mieux que la sortie du remaster de la trilogie originale Tomb Raider pour se pencher sur l’un des personnages les plus importants de l’histoire du jeu vidéo, voire même de la pop culture dans sa globalité?

Chronologie des dates de sortie initiales :

  • 24 Octobre 1996 ; Tomb Raider
  • 21 Novembre 1997 : Tomb Raider II
  • 19 Novembre 1998 : Tomb Raider III
  • Décembre 1999 : Tomb Raider : La Révélation Finale (Tomb Raider IV)
  • Novembre 2000 : Tomb Raider : Sur les Traces de Lara Croft (Tomb Raider V)
  • 20 Juin 2003 : Tomb Raider : l’Ange des Ténèbres

Lara Croft, fille du Lord Henshingly Croft, a grandi dans un milieu aristocratique. A la fin de ses études, à l’âge de 21 ans, le mariage de Lara dans la bourgeoisie semblait une évidence, mais sur le chemin du retour d’un séjour au ski son avion s’écrase au fin fond des montagnes himalayennes. Seule rescapée, Lara dû apprendre à utiliser toutes les ressources nécessaires pour survivre par sa propre volonté dans des conditions hostiles, à des années lumière de son cocon doré. Deux semaines plus tard, quand elle trouve le village de Tokakeriby, cette expérience l’à transformée. Ne supportant plus le monde étriqué et coincé de la haute société britannique, elle découvre qu’elle est faite pour parcourir le monde en solitaire. Durant les huit années suivantes, elle se consacre à l’étude des civilisations anciennes du monde entier, mais ses parents ne tarderont pas à déshériter leur fille prodige. Elle se met alors à écrire les récits de ses voyages pour financer les suivants. Célébrée pour avoir découvert plusieurs sites anciens à l’intérêt archéologique indéniable, elle deviendra célèbre pour les récits de ses exploits.

Sources de cet article sur cette page. Si ça vous intéresse, beaucoup de rendus 3D trouvés ici viennent de ce site, une vraie mine d’or visuelle sur l’aventurière. Partie 2 de l’article ici !

Éditée par Eidos et développée par les anglais de Core Design, la série des Tomb Raider met en scène Lara Croft, originellement créée comme un pendant féminin d’Indiana Jones (un de leurs jeu précédent, Rick Dangerous, était déjà un hommage a l’aventurier au fouet) et serait inspirée de la chanteuse/rappeuse Neneh Cherry ainsi que du personnage principal du comics Tank Girl. Anecdote plutôt connue, elle est originellement une latina nommée Laura Cruz, mais ces origines ont été abandonnées car le nom anglais sonnait mieux pour le marché américain.

Un premier rendu 3D avec Laura Cruz.

La team de développement est composée d’une dizaine de personnes où tous mettent la main a la pâte sur chaque aspect de la conception, tant qu’il est impossible de voir le premier jeu autrement que comme un effort collectif. Toby Gard, créateur du design de personnage et initiateur du projet, prends la paternité de Lara dans l’imaginaire commun, bien que son caractère et son histoire, qui contribueront énormément (voire principalement) a son succès, viennent de la scénariste Vicky Arnold, qui créera également l’antagoniste féminin devenant la nemesis de Lara, Jacqueline Natla.

Les six développeurs principaux du projet.

Comme le personnage culte interprété par Harisson Ford, Lara est cool, intrépide, mue par l’amour de l’histoire et l’appel a l’aventure, sans oublier de servir de redresseuse de tort lorsque l’occasion le lui permet. Extrêmement intelligente et pleine de ressources, elle est belle, sexy, athlétique, sans être pour autant une poupée sans cervelle qui aura besoin d’un prince charmant pour la sauver (elle n’aura d’ailleurs jamais de love interest mis à part d’éventuels aventures d’un soir). Elle représente donc une icône parfaite pour le début de l’âge adulte des jeux vidéos dans les années 1990, notamment avec l’arrivée de la Playstation et son image plus cool et branchée (il sortira également sur Saturn et PC, mais sans VF).

Lara est parfaitement définie dès sa conception, et ne changera que très peu, arborant déjà ses lunettes noires rondes iconiques vissées sur la tête (a la Liam Gallagher) et ses deux pistolets argentés emblématiques au holster, habillée d’un short marron et d’un débardeur vert/kaki/turquoise (selon l’humeur du moment). Dans un clip promotionnel, elle flirte avec le spectateur qui prends la peau d’un bad guy, avant de se voir tabassé puis exécuté par l’aventurière. La vidéo fait comprendre que son charme n’est pas son atout principal, et qu’elle n’a pas besoin d’en jouer pour atteindre ses fins. On pourrait même dire qu’elle flirte d’une volonté dominatrice avec les petits puceaux devant leur console qui ne sont pas habitués à voir une femme forte.

Dès sa première aventure, Lara prends les devants et est au centre de l’attention. Ici, elle narre elle même son tutoriel en faisant visiter sa maison. Ses mouvements sont expliqués de sa voix, via une interprétation culte de Françoise Cadol (qui est pour moi meilleure que la VO). Lara parle ici explicitement des touches de la manette (« faites flèche avant pour avancer », « faite carré pour sauter », etc) : c’est elle qui donne le droit au joueur de prendre le contrôle, pas autre chose. Ce niveau restera un des moments les plus marquants du titre, et sera souvent repris dans les suites (tel quel dans 2 et 3, puis remanié dans les épisodes plus récents).


On m’en voudra si je n’en parle pas, donc : dans Tomb Raider 2, le niveau du manoir rajoute le majordome de Lara, Winston. Celui ci suit Lara où qu’elle aille en faisant des gémissement et des petits pets, ce qui, bien que très marrant, rendait l’expérience un peu énervante. Via une manœuvre devenue culte, il est possible de l’enfermer dans le frigo de la cuisine pour s’en débarrasser définitivement (ce qui n’a surement pas été codé ainsi volontairement, mais un heureux hasard).

Fermer la porte in-extremis laisse le modèle 3D dépasser un peu.
Un effet « gelé » a été rajouté dans le remaster.
Dans Rise of the Tomb Raider, sorti en 2015, cet événement est rendu canon dans le DLC « Les Liens du Sang » qui prends place dans le manoir Croft.

Dans Tomb Raider 3, Winston est de retour ! Vu qu’il est maintenant possible de s’entraîner au tir, dès que Lara trouve les pistolets au terme du parcours d’entrainement, il revêt une tenue blindée avec une cible et un casque de soldat. Quand on essaie de lui tirer dessus, il se protège avec son plateau.

J’ai fait ce screenshot en mode remaster sans faire exprès, vous ne m’en voudrez pas.

En quoi consistent les aventures de Lara, exactement? Après la visite de son manoir, qui sert donc de tutoriel, elle explorera divers lieux a travers le monde pour découvrir des indices sur des trésors et cités perdues (comme l’Égypte, la Chine, l’Italie, l’Inde, le Cambodge, la Grèce, l’Écosse, l’antarctique, et même l’Atlantide). Contrairement aux aventures des explorateurs habituels de la pop culture, les pérégrinations de l’aventurière se concentreront sur les détails moins reluisants de l’exploration, Lara devant affronter de fond en comble des temples abandonnés infestés de moisissure, des grottes insalubres, longuement plonger dans des étendues d’eau dont ne voit pas le fond, sans parler des affrontements contre d’innombrables animaux, mercenaires et créatures surnaturelles/mythologiques, dans un danger de mort omniprésent. La patience et la réflexion sont de mise là ou tout faux pas peut mener dans un gouffre et au game over soudain. Ainsi, un sentiment d’oppression est palpable du début a la fin, tant on est convaincu d’être dans un lieu hostile ou tout peut nous tuer subitement et où la sensation d’être en situation de survie est omniprésente. Il y aura même un aspect horrifique, voire body horror, dans certaines séquences (notamment le dernier monde du premier jeu et le boss de fin du troisième).

Un guide vidéo non officiel en CD-ROM, et des séquences avec de vrais acteurs !

Le cœur de l’expérience sera donc de combattre, sporadiquement, mais surtout de résoudre des énigmes et autres puzzles en explorant des niveaux labyrinthiques truffés de pièges. La maniabilité de Lara, très singulière, épouse totalement le concept de ses aventures : elle est très maniable, mais il faut savoir à la moindre seconde les mouvements à effectuer ; en effet, elle pourra faire des sauts en arrière ou sur le côté, marcher pas à pas, ou même faire le poirier (ce qui ne ne sert à rien), mais le joueur devra savoir exactement sur quelle touche presser et jauger les distances exactes (le level design est conçu comme une grille au sol où le placement exact de Lara décidera de la profondeur de ses sauts) sous peine d’une mauvaise manipulation entrainant une mort immédiate. Le titre se défini également par une volonté de grande verticalité dans l’exploration, motivé par l’utilisation d’un moteur 3D, qui poussera Lara à beaucoup escalader, grimper mais aussi de ne pas chuter en rebroussant chemin. L’inspiration Prince of Persia n’est jamais loin, même si Lara aura plus de succès que la version 3D des aventures du prince sur cette génération (mais pas sur la prochaine…).

Le premier épisode, très rudimentaire dans son approche (il n’y a quasiment que des temples très similaires visuellement pour offrir une expérience purement vidéoludique, sans grande mise en scène a part les cinématiques entre les niveaux) laissera place dans les suites a une volonté d’étoffer ses ambitions, avec des niveaux plus ouverts, dans des décors grandioses, et une histoire plus développée donnant la part belle a son personnage principal. Elle est ici téméraire, aventurière, intellectuelle, jamais nunuche ou aguicheuse, ce qui détonnera beaucoup avec sa représentation dans le marketing (voir partie 2). Elle est cool, branchée, voire même drôle par moments, mais jamais vulgaire, et sait remettre a leur place ceux qui voudraient l’objectifier.

Il faut quand même le dire, son énorme poitrine, qui est devenu une de ses caractéristiques les plus « notoires », est bien présente dès sa toute première apparition, même si elle serait due a une erreur informatique (permettez moi d’en douter, d’autant plus qu’elle est déjà présente sur pas mal de concept art). Toby Gard confirmera plus tard que cette affirmation était une blague prise au premier degré, et que c’était tout à fait volontaire. Lara serait en fait volontairement exagérée au niveau des proportions, pour ressembler a un personnage de dessin animé et pour pallier aux limitations de la technologie de l’époque, ce qui me semble déjà plus plausible.

Avec un excellent concept de jeu parfaitement exécuté, le personnage est au centre d’une machine médiatique portée par une série vendue a plus de 26 millions d’exemplaires sur PS1 (tous titres confondus), propulsant la saga par son aura, et détonnant complétement avec la tradition des personnages féminins au second plan dans l’aventure de leur pendant masculins. Du fait de ce succès, Tomb Raider premier du nom, et la saga en général, ont été largement plébiscités par les joueurs occasionnels, notamment le public féminin encore inexploité a cette époque.

Il y avait certes déjà des personnages féminins iconiques comme Peach ou Zelda. mais celles ci sont toujours un objectif a atteindre, une mécanique de gameplay habillée d’une robe de princesse. La même année que la sortie de Tomb Raider apparait un autre personnage féminin culte dans le premier Resident Evil, Jill Valentine (mais celle ci est sans cesse aidée par Barry Burton dans son scénario qui est un « mode facile » déguisé). On peut parler aussi des personnages de jeu de combat comme Chun-Li, Kitana, Mai Shiranui ou Nina Williams, mais elle ne sont jamais le personnage principal de leur franchise (King of Fighters permet à chaque personnage d’être le héros de son propre scénario, c’est un cas assez spécifique).

D’autres personnages colleraient a la description mais sont quasiment inconnus du grand public, comme Jill of the Jungle en 1991, un des premiers jeux d’Epic Games où une guerriere de la jungle part a la rescousse de son fiancé (ils sont d’ailleurs gratuits sur GOG). Il y aurait les tas de jeux japonais avec des héroïnes (au pif, la saga des Valis) mais le fan service omniprésent cible souvent un public bien précis d’amateurs de jupes d’écolières en plein mistral.

Le seul personnage féminin que je rapprocherais volontiers a cette époque de Lara Croft est Samus Aran de Metroid : comme Lara, elle fait ses aventures seule, ne répond de personne et n’a jamais recours a l’aide de quiconque. Comme Lara, elle est le personnage central de sa franchise encore a ce jour, et est respectée par la communauté des joueurs comme un personnage fort et capable. Malheureusement, elle n’atteindra jamais le statut d’icône de la pop culture au même titre que Lara, pour une simple raison : les développeurs voulant jouer sur l’ambiguïté de l’avatar, Samus est constamment en armure et il faut finir ses jeux a 100% pour découvrir son genre. En 1996, les trois jeux déjà existants de la saga Metroid ne permettaient pas de connaitre facilement l’identité concrète de son personnage principal, le grand public ne s’y intéressa donc pas. Je ne doute pas cependant qu’elle a permis d’ouvrir la voie a Lara de bien des manières.

En parlant du Japon, petite curiosité : le guide japonais du premier Tomb Raider arbore une Lara Croft style manga totalement inédite, tout comme Crash Bandicoot a la même époque.

Tout n’est cependant pas tout rose au pays de l’inventivité : du fait de leur sorties très proches (un épisode par an sur cinq ans), les jeux se ressemblent beaucoup, partageant le même moteur graphique et ayant peu ou prou le même gameplay avec quelques améliorations. Entre les épisodes 2, 3 et 4 particulièrement, les aventures pourraient être interchangeables, la seule différence notable étant le graduel manque d’inspiration (qui plombera le 5e épisode). Le fait est que parler de chaque jeu séparément, en dehors de leur impact médiatique, n’a que peu d’intérêt si le but n’est pas de se perdre dans des anecdotes beaucoup trop spécifiques. La série sera, à partir de Tomb Raider III, vivement critiquée sur ce sujet dans la presse de l’époque, et sera portée avant tout par la popularité de son héroïne.

La partie 2, discutant du tsunami médiatique autour du personnage de Lara Croft, disponible ici ! Ne la manquez pas, les deux sont complémentaires.

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